Au cours des derniers mois, une fusée Soyouz russe et une Falcon 9 de l’entreprise SpaceX ont mis sur orbite les premiers satellites de deux immenses constellations. OneWeb et Starlink font la course pour mettre en place des services d’internet par satellite. Prises ensembles ces constellations pourraient regrouper jusqu’à 18000 satellites. C’est plus de 10 fois le nombre de satellites actuellement en activité. Et deux fois plus que le nombre de satellites lancés depuis toujours.
Une telle entreprise suggère un effort considérable. SpaceX estime que la mise en place de leurs services leur coutera 10 milliards de dollar. OneWeb pour sa part a déjà levé 3 milliards auprès de grandes entreprises de télécommunications. Si de telles sommes sont avancées, c’est que le bénéfice perçu est tout aussi énorme. En créant un véritable internet mondial, ces entreprises espèrent toucher les plus de 3 milliards de personnes qui n’ont pas encore accès au web. Même en ne facturant le service que quelques euros par mois cela laisse entendre des chiffres d’affaires énormes.
L’internet par satellite existe déjà depuis des années. Si vous vous dotez d’une parabole et d’un forfait adéquat, un satellite en orbite géostationnaire daignera vous allouer un peu de bande passante. Ces forfaits sont souvent plafonnés et vus comme des solutions de dernier recours. Si ni la fibre ni l’ASDL (les technologies généralement utilisées pour se relier au web) ne sont disponible dans votre région, vous pouvez tenter votre chance avec cette méthode. Préparer vous cependant à de grosses factures, à des latences élevées et à un service pas toujours très stable.
Les constellations de SpaceX et de OneWeb ont été pensées avec l’internet comme usage primaire. Ce qui implique des satellites, des orbites et des moyens de communications complètement différents. On oublie donc l’orbite géostationnaire et l’idée d’un seul satellite de plusieurs tonnes qui dessert tout un continent. Ces nouvelles constellations font le choix de s’appuyer sur un très grand nombre de petits satellites placés en orbite basse (moins de 2000km d’altitude). Leur nombre doit permettre d’offrir à un large public un débit élevé à tout moment. Ils ont prévu d’opérer entre 500km et 1500km d’altitude. Ce qui divise le temps d’accès par 70 par rapport à un satellite en orbite géostationnaire. Pas de quoi rivaliser avec la fibre en termes de latence mais cela reste un énorme progrès.
SpaceX pousse le concept plus loin que tous ses concurrents. L’entreprise a demandé des autorisations de lancement pour 12000 satellites destinés à intégrer la constellation Starlink. C’est aussi elle qui mène actuellement la dance au niveau des lancements. Un seul tir de Falcon 9 a pu mettre en orbite 62 satellites le 24 mai 2019. A ce rythme, le service pourrait commencer à être commercialisé après seulement 6 autres tirs.
Ces satellites doivent être capable de communiquer entre eux pour répercuter un signal d’un bout à l’autre de la planète. A terme, les communications inter satellites doivent être effectuées par laser. Les satellites communiqueront directement entre eux à très grand débit sans passer par le sol. Bien entendu il faudra toujours des stations terrestres pour faire le lien avec l’internet classique mais la latence ne devrait pas être trop élevée.
Maintenant que Starlink et OneWeb ont lancé leurs premiers satellites, il devient intéressant de se poser la question des conséquences de tels projets. Placer 18000 satellites sur orbite risque de faire sonner des alarmes pour ceux qui s’inquiètent déjà de la pollution spatiale. Evidemment, on pense d’abord au risque de collisions et à une éventuelle réaction en chaîne (syndrome de Kessler). Il suffit d’un premier impact pour détruire un satellite et créer un grand nombre de débris. Ces derniers présentent alors un risque accru pour les satellites restants. Une véritable réaction en chaine risque alors de se mettre en place. Réaction en chaîne qui mènerait à une orbite inhabitable pour tout satellite et qui annoncerait la fin de nombreux services tels que le GPS.
Pour répondre à ce problème, des standards internationaux ont été mis en place. Les satellites en fin de vie doivent se désorbiter en moins de 25 ans. Etant donné leur nombre, il est crucial que ceux de Starlink et OneWeb respectent ces directives à la lettre. Fort heureusement les deux entreprises ont fait des annonces allant dans ce sens. Les satellites arrivés en fin de vie doivent aussi utiliser ce qu’il leur reste de carburant pour abaisser leur orbite et venir se consumer dans l’atmosphère. Idéalement ils seront détruits moins d’un an après la fin de leur mission.
Si l’internet par satellite peut soulever des inquiétudes, il peut aussi être une formidable source d’espoir. Il y a encore de très fortes inégalités dans l’accès au web entre les populations. Apporter la fibre ou même l’ADSL dans des coins reculés du monde demande un investissement dans les infrastructures que certains pays ne peuvent tout simplement pas se permettre. S’ils parviennent à proposer des prix suffisamment bas, OneWeb et Starlink pourraient permettre à 3 milliards d’êtres humains de se connecter au reste de la planète.
Cela pourrait avoir des conséquences importantes sur certains espaces du web. Dans les pays les plus développés, les campagnes toujours bien desservies pourront peut-être y trouver une méthode d’accès au web fiable et rapide. L’internet dans les avions deviendra la norme et peut être sera-t-il possible de souscrire à des forfaits mondiaux fonctionnant aussi bien en Europe qu’en Amérique du sud ou en plein milieu du pacifique.
Il ne va pas falloir longtemps avant de faire la part entre projets et réalité. Les constellations Starlink et OneWeb pourraient être opérationnelles d’ici un an ou deux. Mais il leur faudra probablement une décennie pour monter en puissance.
Hadrien Plancq
Sources :
– https://spaceflightnow.com/2019/05/24/spacexs-first-60-starlink-broadband-satellites-deployed-in-orbit/?fbclid=IwAR0pYB4rANDKKjlROrWcK7KPpg1ZYmRLPwd_3wGF_ugjXp8IWfLXwAuE4V8
– https://spacenews.com/first-six-oneweb-satellites-launch-on-soyuz-rocket/?fbclid=IwAR2p2UlHMYUo5ZfzpR9eM6z4LE7MmGpe9L80mAkhCinPy9hdlfQ2CbzdChU
– https://www.skyandtelescope.com/astronomy-news/starlink-space-debris/?utm_content=buffer4d663&utm_medium=social&utm_source=twitter.com&utm_campaign=buffer&fbclid=IwAR2wnnafBT6mSsE91xrNDwi2qWpIbo6qY84zNTTa7NcFu_O5IhuOgTKz7bc
– https://hackaday.com/2019/05/20/everything-we-know-about-spacexs-starlink-network/?fbclid=IwAR3BxDWnqO9Ph-Vr7gCJ6rrMHxZahGecgAgAdDovO6P568m-Wg5sIMiDlsY
– https://arstechnica.com/information-technology/2017/10/spacex-and-oneweb-broadband-satellites-raise-fears-about-space-debris/?fbclid=IwAR37Bq5ykEMGXVV06lwoiIb9gC61rNeu_gr5hWEK24El8wjQCa5OdWMU5Hg
– https://onewebsatellites.com/arrow/?fbclid=IwAR1ToCwb4Hjk4SdekWkiROCJwUh98ywm5GsCNo1MMPyoQgMbZqHH1ceW3uI